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Du Québec et du Canada

Les psychiatres de Sherbrooke

February 11, 2025

Lettre d'appui de 5 psychiatres de Sherbrooke

Les signataires ci-dessous

À

Monsieur Lionel Carmant, Ministre responsable des services sociaux

- Copies conformes adressées à Messieurs les Députés
o Pascal Paradis : député de Jean-Talon
o Étienne Grandmont : député de Taschereau
o Sol Zanetti : député de Jean-Lesage

Objet : lettre de soutien au Centre le 388

Monsieur le Ministre,

Nous sommes un groupe de psychiatres exerçant au Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke, qui venons d'apprendre avec stupéfaction, la fermeture très prochaine du 388, Centre de traitement psychanalytique pour patients psychotiques.

Nous tenons, par la présente, à exprimer un soutien total à ce Centre et son remarquable travail auprès de jeunes patients initialement très malades, dont le rétablissement clinique est, pour une très grande partie d'entre eux, remarquable avec une réinsertion citoyenne et sociale sans pareil, grâce à l'originalité du traitement.

Et donc, par voie de conséquence, nous exprimons notre total refus d'une décision précipitée, non argumentée, et faisant totalement fi des personnes concernées et de leurs proches, en somme une décision qui n'honore aucun (et même déshonore) de ses porteurs, pour rester corrects et polis.

Chacun de nous sait vraiment * de quoi il parle, chacun ayant accompli le cursus de formation psychanalytique dispensé en six années par le Gifric et nous étant, à divers titres, confrontés au 388, à la liberté de parole des usagers, à leur engagement dans leur traitement : chacun de nous, également, peut témoigner de ce que les résultats obtenus au 388 sont directement et absolument liés à la psychanalyse développée au Gifric, partenaire du service public depuis plus de quarante ans.

Cette psychanalyse, en dehors du fait avéré qu'elle vise l'inconscient de chaque usager, n'a plus d'autre similitude clinique avec l'apport de Freud et ses successeurs. Pour s'exprimer trivialement, ce n'est pas un vieux truc dépassé des années soixante et soixante-dix, mais une innovation dans ce champ.

Chaque usager, accompagné en tout temps (il n'y a jamais d'interruption de soins, ni de changements d'intervenants fréquents, par une équipe spécifiquement formée) au sein de la communauté, bénéficie d'une cure psychanalytique adaptée aux enjeux posés par la psychose, dispensée par deux psychanalystes hautement compétentes et engagées depuis des décennies au Centre. Tout le traitement, les approches, les réunions, dans le long terme, soutient cette cure pour aller vers un horizon singulier, propre à chaque usager, à partir de ce que sa parole permet de comprendre comment s'est nouée sa maladie.

Même les épisodes de décompensation psychotique sont pris en compte et en charge sur place pour l'immense majorité d'entre elles, par la même équipe, avec le même indéfectible engagement. Au total, une diminution drastique des hospitalisations, et ce, au long cours, ainsi qu'une réarticulation sociale exceptionnelle que chaque usager vit et chérit.

S'il ne s'agissait que d'une équipe dédiée en milieu communautaire pour expliquer des résultats extraordinaires obtenus, un cynisme de mauvais aloi nous ferait alors penser que nous sommes tous de très mauvais praticiens, malgré notre spécialisation dans les troubles sévères, notamment psychotiques, malgré les moyens développés aussi à Sherbrooke, comme ailleurs dans le réseau psychiatrique québécois.

Sherbrooke, qui est un milieu universitaire, dont la formation post-doctorale dans notre spécialité est très appréciée par les jeunes collègues résidents. Rien ne ressemble à la réhabilitation citoyenne des personnes psychotiques traitées au 388.

À l'appui documenté de notre propos, viennent la reconnaissance internationale du centre ainsi que l'attribution en 2022 de la médaille de l'Assemblée Nationale du Québec.

Sur le plan international, le traitement unique dispensé au 388 est reconnu dans plusieurs pays d'Europe, partenaires du Gifric.

En 2006, des chercheurs de Columbia University et de Harvard, dans une étude commandée par le NIMH sur les pratiques facilitant le mieux la réinsertion sociale des personnes souffrant de troubles mentaux graves, venaient étudier le 388, seul centre en dehors des États-Unis inclus dans leur recherche. Ils y découvraient des résultats probants «extremely helpful in moving our thinking forward » (cf Norma C. Ware, Harvard Medical).

De même, en 2002 une équipe d'experts mandatés par le MSSS faisait une évaluation sérieuse, menée tant auprès de l'équipe clinique du 388 qu'auprès des usagers, de leurs familles et des professionnels du milieu. Là encore, un travail clinique rigoureux, pour des résultats probants a été souligné et retenu. La pratique au 388 a été validée comme sécuritaire, y compris au regard des meilleurs standards de la psychiatrie, documentation comprise.

On souhaiterait alors pour nos patients et leurs familles, que ceux-ci bénéficient d'un tel traitement ailleurs qu'à Québec, dans notre province : c'est d'ailleurs ce que notre groupe, en lien avec le Gifric, avait envisagé pour Sherbrooke. Des discussions avaient commencé entre le Gifric, la direction du département de psychiatrie de Sherbrooke et la direction générale du CSSS de la Vieille Capitale auquel le 388 était alors rattaché administrativement. Discussions qui ont été interrompues par la transformation des CSSS en CTUSSS puis par la pandémie.

En somme, il ne peut être accepté que le 388 soit fermé, de manière précipitée, sans nouvelles évaluations comme il se devrait.

Nous comptons sur vous, Monsieur le Ministre, pour renoncer à un démantèlement inique qui jetterait les usagers du Centre et leurs proches dans la souffrance déjà longuement éprouvée, avant le présent traitement.
Nous restons évidemment à votre disposition en tout temps et, dans cette attente, vous adressons nos sentiments respectueux.

Dre Jessika Roy-Desruisseaux, MD, FRCPC
Directrice Universitaire du Département de psychiatrie
Professeure agrégée
Faculté de Médecine et des sciences de la santé
Université de Sherbrooke
Cheffe clinique du service de gérontopsychiatrie
CIUSSS de l'Estrie-CHUS

Dre Joelle Hassoun, MD, LL.M
Professeure agrégée
Faculté de Médecine et des sciences de la santé
Université de Sherbrooke
Psychiatre spécialisée en troubles sévères, notamment psychotiques, en France, puis au Québec depuis 2003
CIUSSS de l'Estrie-CHUS

Dr Matthieu Tittley, MD, FRCPC.
Professeur adjoint (fellowship accompli au 388 sous la direction du Dr Danielle Bergeron)
Faculté de Médecine et des sciences de la santé
Université de Sherbrooke
Psychiatre spécialisé en troubles psychotiques
Cogestionnaire des services à la clientèle avec troubles modérés à sévères à la DPSMD
(direction des programmes santé mentale et dépendances)
CIUSSS de l'Estrie-CHUS

Dr Eric Chiasson, MD, FRCPC
Professeur adjoint
Faculté de Médecine et des sciences de la santé
Université de Sherbrooke
Psychiatre spécialisé en troubles mentaux complexes et troubles de personnalité limite
CIUSSS de l'Estrie-CHUS

Dr Mathieu Leblanc, MD, FRCPC  
Professeur chargé d'enseignement (2020-2023)
Faculté de Médecine et des sciences de la santé
Université de Sherbrooke
Psychiatre responsable par interim de la clinique PEP (premiers épisodes psychotiques)
CIUSSS de l'Estrie-CHUS

*Tous les signataires ont :
- accompli la formation psychanalytique en 6 ans dispensée par le Gifric, partenaire du service public pour le 388.
- participé au séminaire relatif au traitement psychanalytique des psychoses, dirigé par Mr Willy Apollon, PhD, psychanalyste.
- participé annuellement aux journées « Médecine, Psychiatrie, Psychanalyse » depuis leur création en 2011, rencontres qui ont rassemblé de plus en plus de médecins et de psychiatres au fil du temps.
- présenté à plusieurs reprises au congrès annuel de l'AMPQ sous forme d'un panel de plusieurs présentations, en quoi l'enseignement du Gifric a modifié notre pratique auprès des patients psychotiques mais aussi de tous les patients (groupe constitué autour du Dr Danielle Bergeron, professeure agrégée d'enseignement clinique): ces présentations ont attiré avec le temps de plus en plus de jeunes psychiatres et de résidents et le chercheur éminent qu'est le Dr Alain Lesage, maintenant membre de l'Académie canadienne des sciences de la santé, s'est dit alors, juste avant la pandémie, fortement intéressé à collaborer avec notre petit groupe de présentateurs a l'AMPQ.